Faut-il inviter ses collègues à son mariage ?

Amour, paperasse et cotillons : quand il s’agit d’inviter leurs collègues au banquet, les Français ne semblent pas aussi frileux qu’on aurait pu l’imaginer. Mais pour ceux qui reçoivent cette invitation, la gène est parfois au rendez-vous, comme nous le raconte Marina, dont l’histoire totalement ubuesque mérite clairement d’être racontée. “J’étais assise à côté d’une collègue avec qui je parlais tous les jours, mais cela n’allait pas plus loin. On ne se voyait jamais en dehors du travail, et pourtant, elle m’a demandé à brûle-pourpoint si je voulais être sa témoin ! Elle était très introvertie, et j’avoue que je n’ai pas osé dire non pour ne pas la blesser”, se souvient-elle.
Essayage de robe de mariée, organisation de l’enterrement de vie de jeune fille, signature du registre, photos… Voilà que Marina s’est retrouvée embarquée dans l’intimité d’une personne qui lui était presque inconnue. “Au final, elle avait invité une vingtaine de collègues, car elle n’avait presque pas de famille, et pas d’amis. Honnêtement, tout cela était très gênant”, poursuit-elle.
Quand la gêne se transforme en drame
Le comble de l’histoire ? L’un des “invités-collègues” du mariage, à savoir le directeur de l’audit du groupe, a fait un malaise durant le mariage. Avec la maturité, Marina s’étonne encore d’avoir accepté et déconseille formellement cette expérience qui a mis tout le monde mal à l’aise. “Elle est partie un an plus tard et je ne l’ai jamais revue. Honnêtement, je déconseille d’inviter ses collègues à son mariage à moins d’être vraiment amis dans la vie privée. Et ne parlons pas des relations hiérarchiques : même si on trouve son patron sympa, je ne trouve pas cela approprié”.
Une amitié à double tranchant
Être invitée par sa boss ? Cela a justement été le cas d’Elena. “J’étais proche de cette personne à la fois d’un point de vue professionnel, mais également amical. En revanche, j’ai été très surprise quand j’ai vu que j’étais à sa table d’honneur. Je me suis posé la question de ma légitimité, tout en étant très touchée”, raconte-t-elle. Mais le joli conte de fée a fini par se corser lorsque, chassée par une autre entreprise, Elena a posé sa démission. “Ma patronne m’a dit que je lui mettais un coup de poignard dans le dos”, se remémore-t-elle.
L’appréhension et la culpabilité de Marina ont été telles qu’elle a fini à l’hôpital dans la semaine avec une péritonite. “Finalement, je suis restée dans l’entreprise, mais cet épisode m’a profondément marquée”, relate-t-elle. Bon, l’histoire s’est tout de même soldée par un happy end : aujourd'hui, les deux femmes demeurent amies !
Mariage ou opération de com’ ?
Alors, l’amitié ne connaît-elle vraiment pas de frontières ? Pour la psychologue du travail Marie D’Hautefeuille, il n’existe aucune règle préétablie en la matière. Oui, on peut inviter ses collègues à son mariage à condition qu’une vraie relation d’amitié ait été tissée au préalable (aller boire des verres ensemble, partir en vacances, parler d’autre chose que du boulot…).
Car inviter une personne à son mariage, c’est la faire pénétrer dans notre intimité, bien plus que si on la conviait à un simple anniversaire. “On peut avoir un coup de cœur amical même sans connaître énormément la personne. À ce moment-là, l’inviter à son mariage peut être la démonstration d’une envie de creuser davantage la relation”, observe-t-elle.
En revanche, il peut arriver que certaines personnes invitent des collègues avec lesquels elles n’ont que peu de relations. Un peu comme un mariage à la Kate et William (ou Meghan et Harry selon votre team). C’est alors une tout autre règle du jeu : “certaines personnes font de leur mariage une sorte de démonstration qui sert leur business par exemple. Dans ce cas, si on accepte de venir, on sait pertinemment quel est l’objectif de la soirée”, poursuit la psychologue.
La rédaction vous conseille
Patron et invité, un duo risqué ?
Et que penser des invitations entre supérieur hiérarchique et subordonné ? Pour Marie d’Hautefeuille, c’est là que la pièce montée pourrait bien s’écrouler. “Quand il y a un rapport d’autorité, cela peut mettre les gens dans une position d’inconfort. Personnellement, je ne l’aurais jamais fait. Il faut vraiment avoir une solide relation d’amitié pour se lancer. Ou alors, je trouve qu’une bonne porte de sortie est d’inviter la personne seulement au vin d’honneur”, recommande-t-elle.
Si l’on veut mêler amour et mondanité, mieux vaut donc s’en tenir à l’apéro. Pourquoi ? Car c’est souvent plus tard dans la soirée que les choses peuvent déraper : un discours un peu trop enflammé, des confessions intimes, un déhanché un peu trop affirmé… “Chacun est libre ou non de se lâcher, mais il faut être prêt à en assumer les conséquences le lendemain car il ne faut pas se leurrer : les gens vous jugeront sur votre comportement. Et peut-être qu’il vaut mieux passer pour un rabat-joie dans ces cas-là”, conseille Marie d’Hautefeuille. Bref, gare à l’alcool qui désinhibe ! Il est toujours plus sage d’adopter un comportement exemplaire.
Avant de dire “oui”, prenez le temps de réfléchir
Bref, avant d’inviter votre bestie du bureau, demandez-vous vraiment si cette relation est amenée à perdurer au-delà de l’open space. De même, si vous êtes invité, posez-vous des questions sur vos réelles motivations à festoyer. “Je conseille vraiment de réfléchir avant d’inviter quelqu’un ou de répondre à une sollicitation. Il ne faut pas non plus oublier qu’on a le droit de se rétracter après avoir accepté. On peut s’en sortir avec une bonne pirouette et offrir un cadeau pour marquer le coup”, conclut la psychologue.