Le sport est-il rentable pour l’entreprise ? Véritable médicament ou pur loisir ?

Transpirer avec ses collègues (ou à côté de ses collègues), c’est peut-être la même chose qui puisse arriver à votre carrière. Que vous soyez manager, dirigeant ou “simple” collaborateur recruter “le sport” dans votre boite, c’est faire un mercato très intelligent. Surtout, c’est rentable. Et si vous avez un doute, on en reparle à la fin de l’article ?
Le sport, c’est comme une table basse ou un iPad. Tant que ce n'est pas rentré dans nos vies, on n’en a pas besoin. Mais une fois que c’est là, on ne peut plus s’en passer. Outre cette parabole un peu consumériste, le sport a un autre immense avantage : il est bon pour notre santé (chose un peu moins évidente pour une table basse, surtout quand on se cogne le petit doigt de pied dessus).
Savez-vous que nous passons en moyenne 5h par jour assis. Et si on a le “loisir” d’être en télétravail, on passe à 7h (Baromètre Harmonie Mutuelle 2024). “Nous avons divisé par 8 en 200 ans notre niveau d’activité physique, en grande partie dû à nos modes de vie de plus en plus sédentaires. Ajoutez l’heure passée dans les transports, et vous arrivez à des niveaux de sédentarité jamais connus dans l’histoire de l’humanité !”, explique Stéphane Diagana, ancien champion du monde d’Athlétisme et ambassadeur d’Harmonie Mutuelle dans le même baromètre.
Si on peut potentiellement se dire que l’ancien athlète prêche pour sa paroisse , on ne peut que lui faire confiance sur l’importance et l’impact du sport sur la santé. Démarrons par un constat de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) qui parlera à tout le monde, aussi bien salariés qu’employeurs : “95% de la population française adulte est exposée à un risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique ou un temps trop long passé assis”
Est-ce que l’entreprise doit se mêler de ça ?
Si le sport n’est pas l’unique médicament, il est certainement l’un des remèdes les plus sous-côtés… en entreprise. Car oui, quel est le rapport entre transpirer… et travailler, après tout ? “Les salariés attendent de l’entreprise qu’elle se préoccupe de leur bien-être. On sait que c’est aussi une obligation réglementaire. Mais outre cette réglementation, les salariés s’attendent à ce que l’employeur mettent à leur disposition différents outils pour leur bien-être et la santé”, constate Sylvie Mensa, responsable santé chez AXA Prévention.
Pour Pierre Lacazedieu, co-fondateur de Wise RH, un cabinet de conseil RH, l’impact est aussi très pragmatique : “c’est dans l’intérêt de l’entreprise. Après une séance de sport, on se sent bien. Le fait de le faire au bureau, c’est bon aussi pour la productivité. Les gens n’ont pas besoin de se déplacer dans une salle de sport, prendre une douche, revenir. Ça prend beaucoup plus de temps. La coach arrive à 12h15, tout le monde est en tenue et 1h plus tard, c’est fini, tout le monde peut déjeuner”.
Intégrer le sport dans son enceinte, c’est une manière d’initier le plus grande nombre à des problématiques de santé publique réelles. “On s’adresse aux 85% de la population qui ne pratiquent pas d’activité physique”, lance Dieudonné Moukoué, fondateur de Fiters, une solution sport pour les entreprises. “Les gens ne pratiquent pas pour plusieurs raisons : 1. la motivation, 2. le prix (budget moyen par ménage est autour de 240€), 3. Le manque de temps. Quand tu es parent solo, c’est très difficile de s’organiser pour faire du sport à côté”, détaille-t-il.
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Une des solutions est de professionaliser le sport en entreprise. “On avait 2-3 haltères rapportés par les collabs. Un jour on s’est dit qu’on allait faire un truc un peu plus pro : on a acheté du matériel. Mais une fois qu’on a une salle c’est bien, mais avoir des cours, c’est mieux”, se souvient Pierre Lacazedieu.
Il a donc “offert” 1h de cours par semaine à ses 18 collaborateurs. “Le coach permet de créer un rendez-vous au travail, mais qui n’est pas du travail. On décloisonne. Quand on se retrouve autour d’une séance de sport, tout le monde transpire et souffre ensemble. Le coach est un élément moteur qui fidélise”, abonde Dieudonné Moukoué. Un fait rare puisque seulement “28%des dirigeants ont déjà mis en place ou vont mettre en place une offre de sport en entreprise” (Baromètre Harmonie Mutuelle).
Le sport, c’est pas du loisir, c’est de la santé avant tout
Pour beaucoup, le sport, c’est avant tout un divertissement, un loisir. C’est certainement l’un des plus fortes incompréhension liée à cette pratique. “Les gens n’ont pas besoin d’une corbeille de fruits ni d’un baby-foot. Mais les gens sont soucieux d’avoir une qualité de vie au travail. Le sport, c’est différent. C’est bon pour la santé. La sédentarité c’est un facteur aggravant de nombreuses pathologies physiques et mentales”, tonne Sylvie Mensa, responsable santé chez AXA. Selon Ameli, les TMS (troubles musculo-squelettiques, voir encadré) représentent “87 % des maladies professionnelles et le mal de dos représente 20 % des accidents du travail”.
“L’entreprise est un terrain privilégié pour faire de la prévention, car on touche tout le monde : toutes catégories confondus. Ça lisse presque les inégalités”, rappelle Sylvie Mensa. Au-delà de l’activité physique en elle-même, le déclic peut aussi amener à changer d’autres comportements : “Certains ont même poussé plus loin en s’attaquant à l’alimentation. Le sport a eu un effet impactant sur cette prise de conscience”, claque Maxime Resano, co-fondateur du cabinet de consei Wise RH.
Pour le CEO de Fiters, “le sport est considéré comme un loisir par beaucoup, alors que le sport, c’est de la santé avant tout. Ça devrait être pris en charge par la mutuelle, par l’entreprise. Il existe une loi de sport sur ordonnance prescrit par les médecins, mais c’est très limité”. Il aborde ainsi l’aspect pécunier du sujet : “Quand on parle sport, on pense associatif, car ce sont eux qui portent le sport en très grande majorité en France aujourd’hui. L’approche ludique, c’est bien, mais ce n’est pas le coeur du sujet. Il faut avoir une approche ROIste. Si tu veux faire financer une action, il faut connaitre ton retour sur investissement”.
Le sport, c’est rentable !
Sur le site de Fiters est annoncé “qu’un euro investi vous rapporte 2,27 € grâce à la baisse de l'absentéisme”. À quel point ce chiffre est-il précis ? Difficile à décrypter. “Sur les 800 entreprises qu’on a accompagnées, on a constaté 15% d’amélioration de la condition physique des collaborateurs, et une réduction de 7 points d’absentéisme”, précise Dieudonné Moukoué. Pour Maxime Resano, “c’est très dur de mesurer l’impact chiffré sur l’absentéisme, car on n’en a pas beaucoup”, sourit-il avant d’embrayer : “ce qui est tangible, c’est qu’on avait 4-5 personnes qui souffraient du dos, de l’épaule et qui ont retrouvé une forme physique. Ça reste difficile à mesurer, mais c’est une réalité. Les gens en sont très satisfaits”.
Selon Frédéric Delannoy, Directeur technique national de la Fédération Française du Sport d’Entreprise, “l’activité physique au travail, c’est 25 % de jours d’absence en moins par salarié”. Du côté d’Ameli, on dénombre 22 millions de journées de travail perdues à cause des TMS. Toujours selon AMELI, “les TMS ont un impact significatif sur la performance de l’entreprise : absentéisme, perte de productivité, perte de qualité, désorganisation des équipes, dégradation de l’ambiance de travail, mauvaise image de l’entreprise, difficultés à recruter, inaptitudes au travail… Ces coûts indirects sont estimés à 5 fois le coût direct”.
“Puis, il y a aussi les risques sur les métiers à forte pénibilité physique. Si tu démarres à froid sur un chantier et que tu fais du marteau-piqueur, tes articulations douillent. 20% des accidents au travail ont lieu avant 10h”, explique Dieudonné Moukoué. “Par incidence, tu vas avoir des TMS, qui vont conduire à de l’absentéisme, donc à de l’interim, donc un surcout et tu paies aussi l’absentéisme de ton collaborateur. Tu es perdant deux fois”.
“Le luxe de demain, c’est l’humain” ?
“L’entreprise ne peut pas faire l’économie du bien-être de ses collaborateurs”, affirme Sylvie Mensa, “l’employeur va créer un climat de confiance en montrant qu’il se soucie du bien-être de son salarié. Ça fait partie d’un package non-négligeable”. Un package qui a un prix, mais tout relatif selon Pierre Lacazedieu : “la salle a coûté 5000€ et les cours 6000€/an. Le ROI est évident ! C’est une dépense qui vient se rentabiliser par des collaborateurs heureux. Ça n’a pas de prix d’avoir des gens qui sont contents d’être là.” Cela permet aussi de bénéficier de certains avantages fiscaux (voir ici)
“Les bonnes conditions c’est aussi la prise en compte de la santé. Tout le monde y trouve son intérêt. C’est un investissement, mais le retour sur investissement n’est pas négligeable”, confirme la responsable Santé d’AXA prévention. Et Dieudonné Moukoué de poursuivre : “quand tu te sens mieux physiquement, tu as une meilleure qualité de sommeil, moins de stress, moins anxieux, tu es moins pénible pour les autres aussi. Tu deviens un collaborateur “plus sain”.
Il reconnait néanmoins un grand défaut au sport en entreprise : “le vrai frein, c’est quand tu le mets en place tu ne peux plus l’enlever”. En fait le sport en entreprise, c’est comme une table basse ou un iPad. Tant qu’on n’en a pas, on n’en voit pas le besoin, dès qu’on en a, on ne peut plus s’en passer.
- 78% des salariés seraient prêts à y consacrer du temps de loisir. / 72% du temps professionnel.
- 97% des collaborateurs bénéficiant d’une offre sportive en entreprise se disent satisfaits.
- Seuls 28%des dirigeants ont déjà mis en place ou vont mettre en place une offre de sport en entreprise.
- 22 millions de journées de travail sont perdues à cause des TMS
- Nous passons en moyenne 5h par jour assis (7h en télétravail)
- Chez les personnes pratiquant une activité physique régulière telle que le vélo, la natation ou le tennis, le risque de développer la maladie de Parkinson est diminué de 40% par rapport à ceux qui ne pratiquent pas d’activité physique